Nuit solitaire

La soir tombait doucement sur la plaine déserte. Les Lumineuses étaient nombreuses à être déjà sorties, créant ainsi un paysage féérique d’un tapis étincelant. Il n’y avait pas un bruit, si ce n’était celui du vent qui soufflait doucement dans les hautes herbes. Ce calme fut rompu par le bruit d’un cheval au petit galop. Sur son chemin, les petites créatures s’envolaient, et venaient illuminer le visage du cavalier, dont la capuche était tombée à cause de la vitesse. C’était un visage triste et fatigué. Yann n’avait pas dormi depuis trois jours, pas qu’il n’en avait pas eu l’occasion, mais plutôt qu’il n’en avait pas prit le temps. Se sentant coupable de la moindre de ces actions, il s’infligeait souvent à lui-même toutes sortes de punitions, comme par exemple la privation de nourriture ou de sommeil. Cette fois ci, il avait volé comme bien souvent, mais s’était rendu compte après coup qu’il avait commis son forfait chez une jeune veuve, enceinte jusqu’aux dents. Ne pouvant lui rembourser ou lui rendre la poule qu’il avait prit dans son jardin, il s’était interdit de repos jusqu’à ce qu’il ai « comprit la leçon ». Mais à bout de force, il finit par s’arrêter dans cette prairie, totalement à découvert certes, mais dans un endroit un peu abrité par le vent grâce à une petite butte, dans le quel il pourrait aisément faire un feu.

Il attacha sa monture (volée elle aussi) à une grosse branche morte qui était sur le sol, et en cassa quelques morceaux pour démarrer un petit feu qu’il entoura de grosses pierres. Epuisé, il s’assit finalement à côté de la bête qui à bout de force elle aussi s’était couché paisiblement. Yann posa sa tête contre le ventre de l’animal, et ferma les yeux. L’hiver était proche, s’il avait été encore un humain, il n’aurait jamais pu supporter une nuit dehors ainsi. Il était enroulé dans sa cape sombre, et se réchauffait grâce à la chaleur de sa monture, et celle de son âtre improvisée. Il dormit ainsi quelques heures, jusqu’à être réveillé par l’animal qui se levait. Il manqua de se faire écraser par ce dernier, et réussi à éviter ses puissants sabots en se redressant vivement. Il se frotta les yeux et regarda autour de lui. La nuit était déjà bien avancée, il ne devait pas être loin de 2 ou 3h du matin. Il bailla et s’étira avant de se rendre compte qu’il était loin d’être seul.

Les lumineuses, attirées par le feu qui était maintenant éteint étaient venues nombreuses et s’étaient elles aussi endormies. Yann se leva pour aller redémarrer les flammes, arracha une buche de la branche qui craqua bruyamment, et réveilla les petites créatures qui s’envolèrent rapidement, apeurées par un bruit si soudain. Leur lumière forma comme une colonne de feu autour de l’ange qui eut un sourire d’enfant. Il regarda le ciel en soupirant d’aise, quand il sentit son ventre gargouiller. Il n’avait rien sur lui de comestible, et pas de quoi chasser. Se disant que sa monture avait besoin elle aussi de manger, et qu’elle avait tout ce qu’elle voulait ici, il se décida à prendre son mal en patience, il attendrait le jour pour reprendre la route.

Se pensant seul, il ôta sa cape, et déploya ses ailes sombres. S’il y avait bien une chose qu’il détestait, c’était qu’on les voit, puisqu’il en avait honte. Il posa son vêtement sur le sol, prêt du feu, pour que l’humidité s’en aille. Finalement, il s’assit lui aussi au près, et se mit à fixer les flammes d’un air absent.

De sa taille la plus développée, c'est-à-dire celle qui la faisait plus ressembler à une humaine, la jeune femme avançait doucement dans la forêt, tout en faisant attention à ne pas écraser les lumineuses présentes sur l’herbe. La nuit était tombée bien vite, mais l’envie de dormir ne l’avait pas prise, ne la prenait plus depuis un certain temps. Ses pieds blancs manquaient à chaque pas d’écraser une petite créature, mais la fée s’esquivait au dernier moment. Si la dignité de sa race n’avait pas disparut avec l’effet de son bannissement, elle trouvait cela dommage, c’est surtout l’indifférence qui gagnait Lokä face au sort de ces petites boules brillantes. Elles lui ressemblaient, oui, cela, elle ne pouvait pas le nier, même si dans sa forme originelle la fée était plus grande de deux ou trois centimètres, plus lumineuse, même si son sort lui avait fait perdre de son enchantement, et la chaleur qu’elle dégageait malgré sa taille était bien plus forte et agréable pour les êtres qui l’approchaient. Ses ailes noires se frôlaient parfois, faisant chuter nombres de petites poussières jaunes luminescentes. La poussière de fée s’estimait à un bon prix pour les humains, et vu à la vitesse où Lokä perdait son enchantement, certains devaient faire fortune en lui suivant de près. Les yeux jaunâtres, sans pupilles et dégageant un sentiment dédaigneux profond fixait le lointain, sans point fixe précis. Sa longue chevelure rousse suivait lentement le mouvement de son corps alors qu’elle marchait entre les arbres.

Sa peau laiteuse frissonna soudainement et la jeune fée se tourna lentement vers la gauche, son regard parcourant les espaces entre les troncs pour chercher l’origine de la chaleur soudaine qui l’avait envahit. Le charme qui l’entourait se mit à briller violement. Ce n’était donc pas un humain qui se trouvait par ici, sûrement une créature magique un minimum plus puissante que les autres. Cette présence indésirable lui arracha un rictus hautain, alors que ses yeux vides s’arrêtèrent sur un point brillant. Un feu surement. Ecartant ses ailes noires, les seuls membres de son corps qui permettait de ne pas la confondre avec un succube, ces immondes créatures, elle s’envola rapidement au-dessus de la forêt. Ayant maintenant un champ de vision parfait malgré la noirceur de la nuit, elle fixa le point brillant qui était bien un feu de camp. Battant une dernière fois des ailes, Lokä se posa discrètement sur une branche en hauteur derrière la seule personne qui se trouvait là.

Quelle surprise lorsqu’elle vit les ailes noires se déployer non loin devant elle. Ses yeux s’écarquillèrent et sa bouche s’entrouvrit alors que la nature même de l’homme lui sautait aux yeux. Un ange. Pas n’importe lequel, un déchu. Des mèches rougeâtres vinrent se positionner devant ses yeux d’une couleur plus pâle. La fée les écarta d’un mouvement brusque du bras, provocant un bruit de la part de la branche où elle se trouvait. Elle lança un regard vers l’homme, et, voyant qu’il n’avait pas entendu, se glissa au bas de l’arbre. La curiosité est le naturel des fées parait-il. Lokä s’accroupi sur l’herbe verte et détailla le dos de l’inconnu, tout en ramenant sa robe sombre et déchirée à ses pieds. Elle eu un regard pour le cheval, qui la regardait d’un air absent, et se détourna pour contempler les ailes noires dans le dos de l’ange. La jeune femme ouvrit lentement la bouche et articula un mot muet. Aussitôt, tout son corps se réduit à la taille de 15 centimètres, et à l’apparence d’une boule lumineuse. Elle voleta nerveusement et prudemment en s’approchant. Laissant derrière chaque battement d’ailes une trainée de poussière brillante, elle ne détourna pas la tête des ailes noires composées, elles, de plumes. De sa toute petite taille, elle se posa sur une des pierres qui entourait le feu et fixa, toujours de la même manière, les membres qui sortaient du dos de l’ange.

Yann sursauta, il avait cru entendre un bruit, un mouvement pas loin. Il s’immobilisa pendant quelques secondes, tout en retenant sa respiration, mais comme il ne percevait plus rien, il haussa des épaules et se dit qu’il avait du rêver, ou bien alors, ce n’était qu’une lumineuse qui chahutait pas loin. Il se frotta les yeux, et attisa un peu son feu, alors que son regard se perdait dans le vide durant de longues minutes. Absent, il ne remarqua pas la petite fée venir se poser juste à côté de lui. Il était perdu dans ses pensées, son esprit voyageait comme bien souvent dans sa mémoire, pour aller se perdre à l’époque où il n’était qu’un humain.

Une nuit plus ou moins semblable à celle-ci lui revint : il était dans cette même prairie, il avait 15 ans et ne sortait que très rarement de la forêt. Il était avec le Doyen du village des elfes, qui l’avait emmené avec lui pour une excursion diplomatique, histoire de lui montrer un peu le reste de l’île. Ils étaient là tous les deux, et silencieusement, ils faisaient la prière du soir. A ce moment, Yann malgré son jeune âge était déjà prêtre, il entrait donc souvent dans des sortes de transes pendant les quels il restait totalement immobile, et ne prêtait plus attention au monde qui l’entourait. Quand il avait ouvert les yeux, le Doyen s’était éloigné, probablement s’était il approché de la rivière pour aller se rafraichir. Il était seul à genoux dans la plaine. Seul ? Plus depuis plusieurs minutes. Les petites créatures étincelantes s’étaient posées autour de lui, sans faire de bruit. Certaine jouaient entre elles, d’autre ne faisaient que le fixer avec de grands yeux ronds. Il était resté jusqu’à ce que l’elfe revienne et leur fasse peur avec ces êtres sans dire le moindre mot, le spectacle qu’apportait leur lumière était tout simplement divin, et ce souvenir restait dans la mémoire de l’ange comme un moment magique.

Il soupira et revint à la réalité, cela ne lui était plus jamais arrivé depuis. Pourtant, là devant lui, se tenait ce qu’il prit pour une lumineuse devant lui, assise près de son feu. Elle devait avoir froid, et avait cherché à se réchauffer. Un sourire s’afficha sur le visage du bougre qui tout doucement tendit les bras pour prendre Löka dans le creux de ses mains et l’amener doucement vers lui. Il ne connaissait pas bien les fées, sinon, il aurait de suite vu qu’il se trompait en ce qui concernait la race de la demoiselle. Si tel avait été le cas, il se serait empressé de cacher ses ailes symbole de sa traitrise et de sa honte. Mais comme il pensait n’être qu’en présence que de l’une de ces petites créature qui vivait en ces lieux, qui n’avait pas de jugement propre sur ce qui l’entourait, il ne fit pas attention à ce détail.

-Bonsoir petite lumineuse. Que me vaut l’honneur de ta visite ? As-tu froid ? Lui demanda t-il du ton le plus simple qui soit tout en la posant délicatement sur sa cape pour qu’elle puisse s’y blottir si l’envie lui venait. Ou peut être as-tu faim ? Je n’ai malheureusement pas grand-chose à t’offrir.

Lokä eu envie de crier à l’outrage lorsque l’ange la prit dans ses mains. Ses sourcils se froncèrent sur son tout petit visage et elle lui lança un regard courroucé. Pour qui se prenait-il. Ne savait-il pas faire la différence entre les créatures simplettes qui s’agitaient en ce moment même autour du feu et une représentante d’une des plus anciennes et des plus respectables races du pays ? Elle frémit au contact de sa peau, surement par dégout, la jeune fée ne supportait pas les contacts qu’ils soient charnelles ou non. Depuis son bannissement, non seulement son physique s’était retrouvé transformé, mais son caractère en avait pâti aussi. Elle observa son « agresseur » à travers son hâle de poudre brillant à loisir. Pour un ange soi-disant déchu, il ne correspondait pas du tout à la description qu’elle s’en était faite. Pour elle, un déchu devait paraître plus hargneux et méchant en quelque sorte. Son visage à lui ne dégageait rien de cela, au contraire, une certaine tristesse s’échappait de ses yeux, et une mélancolie perçait à travers tous ses gestes. La couleur de ses ailes ne faisait qu’accentuer cette idée et elle se demanda ce qui avait pu pousser un ange qui paraissait aussi peu enclin à la méchanceté, enfin son visage, à trahir sa destinée.

Beaucoup de voyageurs qu’elle avait croisés auparavant, avaient réussi à lui soutirer des questions sur son origine, et surtout sur l’origine de ce physique si peu commun pour une fée, lorsque l’on ne la prenait pas pour un succube. Il est vrai qu’il était difficile de ne pas attirer les soupçons. Les fées ne voyagent jamais seules, leurs cheveux n’approchent jamais de la couleur rousse, leur yeux ne sont pas jaunes, leur peau pas aussi pâle, leur vêtements jamais noirs, et leurs ailes sont généralement de couleurs vives, pas noires, et trouées. Il était donc simple de faire courir beaucoup de rumeur à son sujet, sans qu’elle les démente pour autant. Mais à propos de cet homme, le doute restait entier. Un visage aussi pur, contrastait vivement avec les plumes sombres qui lui permettaient de voler, et de s’identifier à une race.

Le sang le fit qu’un tour dans le corps frêle de Lokä quand il l’appela « lumineuse ». Elle aurait préférée être traitée de tous les noms, sauf de celui-là. Quelle honte pour une fée de se voir être affublée d’une comparaison avec un être en tout point inférieur. La fierté d’une fée est quelque chose qu’il ne faut pas abîmer. La fée battit violemment des ailes, projetant de la poussière dorée un peu partout sur la main de l’inconnu pour exprimer la faute qu’il venait de faire, et fut encore plus surprise lorsqu’il lui parla gentiment, comme à une demeurée et qu’il la posa sur son vêtement. Elle le regarda avec toute la froideur possible, et, se mit debout, en se positionnant bien droite sur la cape. Elle ne dépassait alors pas 15 centimètres, ce qui paraissait bien ridicule, mais elle ouvrit rapidement la bouche et articula encore une fois ce même mot muet. Sa taille se développa d’un seul coup, provocant la disparition du petit nuage doré qui l’entourait quelque instant plutôt pour un léger voile de grain jeune. Ses cheveux rouges voletèrent doucement autour de son visage alors qu’elle regardait l’ange droit dans les yeux avec une expression hautaine sur le visage, à défaut des yeux qui n’exprimaient pas grand-chose sans pupilles. Ses cheveux retombèrent doucement dans son dos et elle écarta ses ailes, comme pour bien lui permettre d’analyser ce qu’elle était. Elle ouvrit la bouche, et parla d’une voix qui mettait en avant un profond dédain.

« Je ne suis pas ce que vous appelez une lumineuse. Je n’ai pas faim, ni froid. »

L’ange ne comprit pas bien pourquoi la petite fée qu’il avait dans la main s’était mise soudainement à battre des ailes avec violence. Pensant que la créature voyait en ce geste comme un jeu, il eut un petit rire qui naquit et mourus le temps d’une expiration. Ce qu’il comprit encore mois, c’était cette poussière qu’il avait maintenant sur lui. Les lumineuses faisaient de la lumière oui, mais elles ne produisaient pas ce genre de sable étincelant. Il décida de ne pas trop faire attention à ce détail qu’il jugeait sans importance, il n’avait après tout pas grand-chose à craindre d’une chose aussi petite et inoffensive qu’un de ces petits êtres pacifique.

Après avoir doucement posé la petite chose, il se frotta les mains faisant tomber ce qui lui aurait permis de ne pas voler sa nourriture de la semaine suivante sur le sol, sans savoir ce que c’était réellement. Mais même s’il l’avait su, il ne l’aurait surement pas revendu, c’était un acte trop immoral à son goût que de vendre un être vivant, ou même une partie de celui-ci. La poussière dorée au contact de la terre commença à perdre son éclat, pour rapidement disparaître, souillée tant bien par le sol que par le contact avec Yann qui avait une aura plutôt maléfique depuis qu’il était ce qu’il était, à son grand désespoir. Ce fut encore un détail qui lui mit la puce à l’oreille. Cette matière dont il s’était débarrassé sans trop y faire attention devait avoir une certaine pureté pour qu’en la touchant, il en fasse changer sa nature. Il regarda longuement l’endroit où il s’était secoué les mains, pour finalement reposer un regard sérieux et méfiant vers la demoiselle.

Cette dernière la fixait avec dédain, du haut de ses quelques centimètres. Il n’avait pas besoin d’attendre la suite pour comprendre qu’il s’était trompé, et qu’il n’était pas en présence d’une simple lumineuse. Son premier réflexe fut de plier ses ailes dans son dos, comme quand il les cachait sous sa cape. Le deuxième fut d’anticiper le changement de taille de la jeune femme. Il se redressa pour être à la même hauteur qu’elle. Sa transformation ne tarda alors pas à suivre. Elle confirma ensuite ce qu’il pensait, elle était une fée. Et à en croire par ses ailes sombres, elle n’était plus la bienvenue parmi ces merveilleuses enchanteresses. Comment pouvait-elle ainsi exhiber cette partie de son corps ?! Elle semblait presque les montrer avec fierté. Elle ne devait pas être fâchée de son statut pour se comporter ainsi, il avait donc tout à craindre d’elle. De plus, pour ne pas arranger son cas, il apparaissait clairement qu’il l’avait heurté en la confondant avec les créatures qui peuplaient cette plaine.

Comme il n’aimait pas attirer l’attention, et qu’il se débrouillait la plus part du temps pour éviter les conflits, il préféra s’excuser de suite pour des paroles qu’il ne jugeait pas blessantes plutôt que de partir dans un affrontement stupide et futile.

-Et bien Mademoiselle je vous prie dans ce cas d’accepter mes plus plates excuses.

Il se baissa alors pour récupérer le vêtement à terre, sans résultat puisque Lokä marchait dessus. Doucement, il se redressa. Il n’aimait pas l’idée d’être face à une inconnue vêtu uniquement de sa tunique. Mais bon, ce qui était fait était fait, et ce n’était pas en cachant son visage maintenant qu’il allait lui faire oublier les images qu’elle avait déjà de lui. Il soupira, et déploya ses ailes à nouveau. Elles étaient engourdies et lui faisait affreusement mal. Comme elle les avait déjà vu, les laisser ainsi pliées derrière son dos n’allait rien changer non plus. Un petit craquement d’os se fit entendre, affichant une très discrète grimace sur le visage de Yann, qui se demandait comment se débarrasser de son hôte.

-Mais que puis-je pour vous alors ?

Le visage de Lokä perdit son sentiment de supériorité quand il s’excusa auprès d’elle. Elle-même ne perdait pas trop de temps à se plier en excuse par rapport aux diverses personnes qu’elle aurait put blesser à travers son comportement ou ses paroles, mais voir un être avec une telle prestance ne donnait pas envie d’entrer en conflit avec lui. Ses traits de détendirent et la jeune fée se sentit soudainement ridicule de s’être comportée d’une façon si vive et hargneuse. Il était vrai que le fait de confondre une fée, qui possédait son propre charme, et une lumineuse, qui utilisait la magie de la nature pour en avoir un, était considéré comme une injure, mais elle était très mal placée pour converser de cela, sachant qu’elle n’apparaissait comme une fée que grâce à ses ailes et son enchantement. Elle baissa un instant les yeux, comme une gamine à qui on pointait clairement la faute du doigt et que ne peu rien faire d’autre que l’avouer implicitement. Ses excuses étaient, en quelques sortes, inattendues. Elle s’était plus préparée à un affront direct, et sa réaction la décontenançait. Elle ne savait plus comment réagir. Vraiment, cet inconnu l’avait prit de court, comment réagir à quelqu’un que intervient à l’opposé de ce que vous aviez prévu, imaginé, programmé ? Le caractère de Lokä était tel, qu’elle n’imaginait jamais qu’une personne quelconque puisse réagir autrement de ce qu’elle prévoyait pour elle-même à l’avance. Elle n’était pas très ouverte d’esprit.

Elle secoua doucement la tête, geste perceptible seulement par rapport au mouvement que firent ses cheveux rouges, et se redressa en plongeant ses yeux jaunes dans ceux de l’ange. C’était une chose qu’elle appréciait, fixer les pupilles de ses interlocuteurs alors qu’elle, n’en avait pas. Son physique rebutait, surtout ses yeux. Ils étaient profonds, étranges et généralement, on évitait de les fixer. Lokä le regarda alors aussi simplement qu’elle pouvait. Elle essaya de ne faire passer aucun sentiment à travers ceux-ci. Paraître naturelle. Mais son naturelle à elle était toujours mené par une pointe de dédain, une colère non affichée, quelque chose qu’elle gardait pour elle, comme si elle en voulait à la terre entière, mais se contentait d’une apparence froide et mystique.

Lokä le dévisagea patiemment, ne répondant pas tout de suite à ses excuses. Maintenant qu’elle était aussi près de lui, elle ne se gênait encore moins pour soutirer chaque détails de sont physique. Elle s’arrêta surtout sur ses ailes. Inconsciemment, elles l’attiraient. Elle aurait voulut savoir. Permettre à sa curiosité de boire jusqu’à plus soif. La jeune fée n’en avait jamais croisé de semblables. A part les siennes, elle n’avait jamais vu d’ailes aussi sombres. Elle aurait presque put tendre la main et les toucher, mais ce contact l’aurait probablement brûlée. Ses yeux s’écartèrent légèrement, de fascination, quand il se pencha et se redressa ensuite pour les déployer. Elles étaient si belles.

« Qui êtes-vous ? »

Sa voix était légère, presque un murmure. Sa question fut lente. Il ne fallait surtout pas qu’il se rebiffe à cette demande. Ce n’était pas une question pour le froisser, juste pour engager une conversation qui lui dirait d’où vient cet étranger. Elle recula ensuite, d’un seul pas, pour lui permettre de reprendre son vêtement sur lequel elle se trouvait, et rabattit ses ailes dans son dos.

Qui était-il ? Bonne question… Qui était-il… Il n’avait ni adresse fixe, ni métier, ni rien qui puisse vraiment apporter quelque chose d’intéressant à la jeune femme. Il n’était qu’un vagabond sans grande importance finalement…

-Yann fils d’E…

Il stoppa alors eu eut un sourire mi triste mi amusé. Quand il vivait chez les elfes, il se présentait toujours de cette manière : Yann fils d’Eden. Oh n’y voyez là aucun jeu de mot rapport au jardin du même nom et à sa condition d’Ange. Eden était le prénom de son père, un anglais échoué sur Nederland. Mais en qualité d’humain, il était mort depuis de nombreuses années. Il n’avait pas été quelqu’un d’important, et personne ne devait se souvenir de lui si ce n’était Yann lui-même. La tradition dans le village où il était né et comme bien d’autres lieux sur Neverland, voulait qu’un homme se présente par son prénom et par celui de son père. Malgré le fait qu’ils étaient humains, la famille Amiss avait adopté cette façon de faire, et cela était devenu un réflexe chez le jeune homme, un réflexe qui commençait cependant à dater. Il avait dit cela sûrement parce qu’il pensait au passé juste avant que Lokä ne fasse son apparition. Maintenant, il n’était plus que Yann, Yann tout court. Il inspira avant de reprendre sur un ton assez sec, mais pas agressif :

-Yann. Il marqua une pause. Il ne savait pas trop s’il voulait connaître l’identité de la jeune personne, mais par politesse, il lui retourna la question. Et vous, qui êtes vous ?

Alors qu’elle se reculait légèrement, il se baissa à nouveau pour reprendre sa cape. Il n’avait pas l’intention de la remettre, maintenant qu’elles étaient là, il avait l’intention de se dégourdir les ailes un peu plus longtemps. Seulement voilà, quand il redressa la tête vers la fée, il remarqua le regard qu’elle leur lançait. Vivement, il les rabattit et passa son vêtement un air presque paniqué sur le visage. Il recula d’un pas et baissa le regard. S’il avait pu soutenir les yeux dorés de Lokä sans que cela ne lui pose problème, il ne voulait pas qu’elle fixe ses ailes ainsi, non, ça il ne pouvait pas… Sa respiration s’affola et devint anarchique.

-S’il vous plait… C-cessez de les fixer ainsi…

Elle retint un soupir lorsque l’ange se présenta, à moitié, selon elle. Il semblait sur le point de finir sa phrase, puis se ravisa, énonçant seulement son prénom. Oh combien elle aurait aimé savoir la suite. Ce qui, peut-être aurait étanché la soif de sa curiosité. Mais il avait évité de l’énoncer, répondant par une autre question destinée à Lokä cette fois-ci. A son tour de répondre. A elle de satisfaire la curiosité de l’ange apparemment prénommé Yann. Que répondre ? D’ordinaire, une fée en reconnaissait une autre à la vue du blason qu’elle portait sur la peau. Mais voila, Lokä avait perdu le sien à la suite de son bannissement, et, à son avis, l’ange n’avait pas connaissance de ce protocole. Sa tempe n’affichait plus une sorte de tatouage en courbe, reliant son front et son œil droit, de couleur mauve. Non, elle avait même perdu l’habitude de penser à cette délicate petite chose depuis longtemps. La jeune femme passa deux doigts sur son front, lentement, presque nostalgiquement, masquant ce geste en un mouvement pour replacer ses cheveux. Elle sursauta lorsqu’il remarqua le regard qu’elle lançait aux membres sombres dans son dos, et qu’il les masqua violemment. Il était vrai qu’elle, elle s’était habituée à la présence de ses propres ailes, à ce qu’elles signifiaient et aux regards que lui lançaient les créatures qu’elle croisait. Mais il arrivait que d’autre ne le supportait pas. Elle ne s’excusa pas de sa faute, redirigea juste ses yeux jaunes sur le visage baissé de Yann.

« Je me nomme Lokä Storymëirgalagdumäerlokä, et, vous avez dû le remarquer, je suis une fée. »

Elle aurait aimé pouvoir rajouter « et pas n’importe laquelle ». Mais Lokä s’en empêcha au dernier moment. Elle n’avait pas à étaler ses états d’âme et sa façon de penser à un inconnu. Le seul nom de l’ange ne lui suffisait pas. Maintenant qu’elle savait au moins son prénom, elle voulait en savoir bien plus. Et seul un prénom prononcé à demi-mot par un être doté d’ailes de plumes noires avec un physique aussi solennel ne collait pas très bien. Elle s’approcha de lui, tendit une main pâle et froide, et releva sa tête en soutenant son menton pour qu’elle puisse plonger ses yeux dans les siens. Un frisson désagréable lui parcouru le corps et lui fit froncer les sourcils sans qu’elle ne veuille véritablement. Le contact d’une peau étrangère était parfois insoutenable pour les fées de sang parfaitement pur, surtout quand il s’agissait d’une créature ayant une importante aura, comme Yann. Son regard détailla lentement chaque partie de son visage et s’arrêtèrent sur les yeux dorés.

« Qui êtes-vous ? »

Elle posa pour la deuxième fois la même question, en insistant particulièrement sur le « qui ». Sa voix était ferme et direct sans montrer pourtant une once de supériorité.

Yann ne connaissait en effet rien du protocole des fées. Il avait une bonne connaissance générale des être vivants sur l’île pour les avoir beaucoup aidé en qualité d’ange. Mais les fées, jamais il ne les avait côtoyé : c’étai un peuple plutôt conservateur, ils donnaient souvent l’impression de vivre à l’écart, et restait de ce fait plutôt mystérieux. Ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait face à une fée, mais comme il n’avait pas pour habitude de s’éterniser dans les conversations, il ne savait rien d’elle si ce n’était qu’elles avaient un lien avec les elfes, e qu’elles pratiquaient la magie. Mais en ce qui concerne leur culture… Le nom de la jeune femme l’amusa. Enfin, pas tellement le nom, mais plutôt le fait qu’elle le prononce avec tant d’aisance. Il n’avait pas besoin d’essayer pour savoir qu’il n’arriverait pas à le dire du premier coup.

Une question lui traversa l’esprit. Il avait cru en la voyant qu’il avait son équivalant en fée face à lui, mais est-ce qu’une fée pouvait être déchue ? Si non, que signifiait la couleur sombre de ses ailes ? Il se garda bien de poser la question, de peur de provoquer à nouveau la colère de Lokä.

Il ne vit pas venir sa main à son visage, et quand elle le toucha, il se recula vivement comme s’il avait été brulé. Il n’avait rien contre le fait qu’on le touche, il avait juste été surpris et sa réaction n’était qu’un sursaut bien normal, qui pouvait cependant être mal interprété. Il manqua de trébucher sur la branche morte, et reprit rapidement son équilibre. Il se passa une main distraite dans les cheveux, et dit en baissant de nouveau le visage :

-Pardon, vous m’avez surpris.

Il redressa alors la tête pour regarder la jeune femme dans les yeux puisque tel semblait être son désir.

-Je suis Yann, juste Yann. Il ajouta ensuite pour se présenter de la même manière que Lokä : et j’étais un ange.

Hors de question qu’il prononce LE mot. Il ne l’avait jamais fais et ne comptait pas commencer maintenant. Et puis, dire cela ou ce qu’il venait de dire, ça revenait au même, les gens comprenaient. Ils n’avaient d’ailleurs la plus part du temps pas besoin d’explication, ils saisissaient tout seul. Il anticipa le fait que la fée ne soit pas satisfaite de sa réponse en ajoutant.

-Je ne peux rien vous donner de plus si ce n’est un nom de famille inconnu sur l’île et oublié depuis longtemps.

Les origines de ses parents faisaient que Yann ne figurait sur aucun registre officiel. En arrivant sur Neverland, ils avaient eu l’autorisation de garder l’identité qu’ils avaient eu sur le continent, à condition de ne pas quitter le pays des elfes sylvains. Yann lui en avait eu le droit, mais seulement accompagné. Il avait été enregistré à sa naissance mais pas de manière authentique. Le village le reconnaissait, mais pas l’île, il avait donc été illégal qu’il se ballade en liberté.

-Amiss. Yann Amiss.

» Deux elfes noires en pleine nuit [Pv Isis^^]